Tuesday, October 7, 2014

L’innovation technologique devrait-elle être le dernier morceau du casse-tête de « l’écart de rendement » en Afrique ?

Un riziculteur sénégalais explique à un agent de vulgarisation
de notre organisation partenaire SAED comment il a accru
la productivité de son champ de riz
.
De nombreuses personnes, y compris mes parents, qui sont des riziculteurs au Japon, demandent souvent pourquoi je travaille en Afrique sur le riz, une culture normalement associée à l’Asie.

En effet, le riz a toujours été un aliment de base dans certains pays africains, où la consommation est même plus élevée qu’au Japon ! Et la consommation de riz augmente de façon exponentielle en Afrique, principalement à cause des changements dans les habitudes alimentaires et l’explosion démographique. Les paysans africains, souvent des femmes, cultivent le riz en conditions pluviales, avec des rendements d’environ 2 tonnes par hectare ; ce qui est beaucoup inférieur aux rendements moyens de riz qui sont à environ 4 tonnes par hectare. Le résultat est que la plupart du riz consommé en Afrique est importé d’Asie.

Pendant la crise alimentaire de 2007–2008, beaucoup de pays asiatiques ont réduit leurs exportations de riz. La pénurie soudaine a provoqué une hausse des prix qui a entraîné des soulèvements dans bon nombre de capitales africaines. Reconnaissant que la trop forte dépense sur les importations de riz est risquée, beaucoup de gouvernements africains de même que la communauté internationale des donateurs ont initié des programmes de développement du secteur rizicole. Les investisseurs étrangers s’intéressent aussi aux terres et aux eaux africaines pour la culture du riz. Comme résultat, la production rizicole augmente dans toute l’Afrique subsaharienne. Cependant, l’Afrique importe toujours environ 40 % du riz qu’elle consomme.

 Ecart de rendement entre riziculture irriguée et riziculture
pluviale dans les pays africains. AfricaRice travaille avec l’Université de
Nebraska et l’Université de Wageningen sur le projet
 “Global Yield Gap
and Water Productivity Atlas (GYGA)

(Saisie d’écran du site internet de GYGA).
Le Projet Global Yield Gap and Water Productivity Atlas – dans lequel le Centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice) est impliqué – indique un grand potentiel pour améliorer le rendement rizicole en Afrique. Présentement, la différence entre le rendement obtenu en conditions de production optimales et les rendements réels (connue comme l’écart de rendement) se situe entre 2 et 8 tonnes par hectare.

                              
Où se situent ces écarts et comment pouvons-nous les combler ?
Pour répondre à ces questions, nous avons mis en place le Groupe d’action Agronomie rizicole à l’échelle de l’Afrique en 2011. Ce groupe d’action inclut le personnel d’AfricaRice de même que les agronomes de 21 pays africains, qui collaborent avec les paysans, les agents de vulgarisation et les partenaires au développement. Deux exemples démontrent la nature du travail initialement entrepris en vue d’appréhender les défis et les solutions.


 Page des résultats de l’outil d’aide à la décision RiceAdvice,
montrant le taux d’application des engrais et le timing recommandés
pour un champ particulier d’un paysan. Ces résultats sont générés par
RiceAdvice à partir des réponses des paysans aux questions sur
la gestion de leur terre et de leur culture.
A la fin des années 1990, la recherche menée par AfricaRice dans la vallée du fleuve Sénégal a montré que les paysans pouvaient augmenter leurs rendements d’une à deux tonnes par hectare sans augmenter les coûts de production, simplement en modifiant leurs pratiques agricoles. Par conséquent, les chercheurs ont développé des options de gestion intégrée de la riziculture de bas-fond irriguée, qui ont été disséminées à grande échelle.

Différents facteurs ont empêché les paysans pauvres d’adopter les nouvelles pratiques. Les paysans qui ne disposent pas de tracteur, par exemple, pourraient attendre longtemps un prestataire de services. S’ils n’ont pas accès au crédit, il pourrait s’avérer difficile pour les paysans d’acheter les engrais et autres intrants. Cela peut retarder le processus de production, avec de sérieuses implications pour le rendement.

Nous sommes en train de développer un outil d’aide à la décision basé sur une application Android appelé RiceAdvice, pour fournir aux paysans des recommandations adaptées à leurs propres circonstances (Photo 3). Cela devrait aboutir à des gains de rendement importants.  Cependant, nous ne devrons pas oublier d’alerter  les politiques et les décideurs sénégalais  aux niveaux régional et national sur la nécessité de créer un environnement favorable pour les paysans afin qu’ils appliquent les recommandations. Dans le cas contraire, tous nos efforts ne serviront à rien.

Dans le centre du Bénin, la riziculture pluviale peut donner 3 à 5 tonnes par hectare avec une bonne pluviométrie, mais en période de sécheresse, les rendements peuvent tomber au-dessous de 2 tonnes par hectare, ou échouer complètement.

Le développement de technologies intelligentes face au climat telles que les variétés résistantes à la sécheresse et les technologies qui conservent l’eau ou l’introduction d’autres cultures pourraient aider les paysans à faire face à la sécheresse, en particulier dans les zones de riziculture de plateau.

Cependant, j’aimerais soutenir que, là où cela est possible, la grande priorité devrait être accordée au développement de programmes d’irrigation et à la recherche des voies et moyens d’améliorer la maîtrise de l’eau dans les systèmes pluviaux, par exemple à travers la construction de diguettes et le nivellement des champs de bas-fond.

En abordant les questions de marché et les défis financiers et institutionnels et en assurant la disponibilité des terres avec une bonne maîtrise de l’eau ou de l’irrigation, nous pouvons aider les paysans à adopter facilement les bonnes pratiques agricoles telles que celles recommandées par RiceAdvice. Dans bien des cas, travailler avec les paysans pour améliorer la gestion de la riziculture constitue le dernier morceau du casse-tête pour combler l’écart de rendement !

Des fois je parle avec mes parents de la raison pour laquelle je travaille sur le riz. J’espère qu’un jour ils apprécieront manger du riz venu d’Afrique !

Blog et photos par Kazuki Saito, agronome riz et coordinateur du groupe d’action Agronomie à l’échelle de l’Afrique au Centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice) – k.saito at cgiar.org


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