Les adventices parasites du genre Striga – aussi connues
sous le nom de l’herbe des sorciers– constituent une grave menace pour la
production de riz de plateau dans de nombreuses régions d’Afrique. Les racines
des plantules de la Striga pénètrent dans les cellules des racines des plantes
hôtes, dont, le riz, qui deviennent fragiles et non productives.
AfricaRice et ses partenaires enregistrent des avancées
notables dans la lutte contre la Striga dans les champs des riziculteurs sur
l’ensemble du continent.
Aussi attrayant que cela puisse paraître d’avoir beaucoup
de fleurs roses ou orange qui agrémentent une rizière, Striga est un compagnon
extrêmement sinistre. Ces plantes assassines tirent leurs nutriments et leur
eau directement du système racinaire de la plante hôte dont l’énergie est détournée
pour supporter le parasite. Une forte infestation peut entraîner une récolte
complètement déficitaire.
Deux espèces principales de Striga attaquent le riz en
Afrique. Striga hermonthica pose des problèmes en Côte d’Ivoire, au nord du
Nigeria et en Ouganda. Selon les chiffres cités par Infonet Biovision 1, il
attaque près de 40 % de toutes les zones de production de céréales (notamment
du sorgho, du millet et du maïs) de l’Afrique subsaharienne, causant entre 7 et
13 milliards de dollars de pertes chaque année.
Striga asiatica est très répandue à Madagascar, au Malawi
et en Tanzanie et cause d’énormes dégâts chez le riz, en particulier dans des
zones où la pluviométrie est irrégulière et les sols peu fertiles. Les deux
espèces sont difficiles à contrôler, parce que les 4 à 7 premières semaines de
leur cycle de vie se passent sous terre, où la lutte mécanique est impossible.
Les herbicides peuvent venir à bout de la Striga, mais les riziculteurs
africains n’ont pas encore accès aux technologies herbicides efficaces et
abordables.
Attraction
chimique fatale
Chaque plante de Striga est capable de produire jusqu’à
250 000 minuscules graines, qui peuvent rester en vie dans le sol pendant de
nombreuses années. Les graines de Striga ne germent qu’en présence de produits
chimiques dérivés de leur hôte comme les strigolactones, car ils garantissent
l’existence d’un hôte approprié à parasiter.
Les racines du riz sont envahies par ces strigolactones.
Jonne Rodenburg, malherbologiste à AfricaRice explique que « les réserves
énergétiques des toutes petites graines de Striga sont très faibles ». « Elles
doivent donc, très vite, puiser dans les ressources de la plante hôte ».
Aller à la
racine du problème
Dans le cadre d’un projet financé par le Département pour
le développement international (Royaume-Uni) et le Conseil pour la recherche en
biotechnologie et en sciences biologiques, mené par l’Université de Sheffield,
l’équipe de Dr Rodenburg a criblé au champ 18 variétés NERICA de plateau, leurs
parents et leur résistance, et des variétés témoins locales pour tester leur
résistance aux deux espèces.
Toujours selon Dr Rodenburg, d’après les « travaux de
recherche effectués sur le sorgho et le maïs, il est difficile de trouver une
résistance durable ». « Les espèces Striga sont génétiquement très variables,
aussi, ont-elles tendance à contourner, très vite, la résistance basée sur un
seul mécanisme. Il ne suffit que d’une ou de quelques plantes ayant réussi à
contourner la résistance, pour réinfester toute une rizière en quelques saisons
culturales ».
AfricaRice a noué un partenariat avec l’Université de
Wageningen en vue d’étudier la résistance pré-attachement. Muhammad Jamil, un
étudiant doctorant et le Professeur Harro Bouwmeester, ont criblé les variétés
NERICA de plateau et leurs parents en laboratoire, afin d’identifier et de
quantifier les strigolactones.
Les variétés produisant beaucoup moins de strigolactones
avaient un faible taux d’infestation par la Striga, tandis que celles qui
produisent les plus grandes quantités de strigolactones avaient le taux
d’infestation le plus élevé.
Entre-temps, Mamadou Cissoko, un doctorant de
l’Université de Sheffield, sous la supervision du Professeur Julie Scholes, a
fait des recherches sur la résistance post-attachement ou les mécanismes
destinés à lutter contre le développement de la Striga chez le riz après
germination et attachement aux racines.
Un bloc
génétique
Pour Dr Rodenburg, « les travaux en cours à Sheffield
sont très intéressants ». « Ils ont permis l’identification du chromosome
porteur de gènes de résistance à la Striga ». Ce qui pourrait conduire à
l’identification du premier gène de résistance à la Striga dans n’importe
quelle culture céréalière (le seul gène de résistance à la Striga actuellement
connu se trouve dans la légumineuse niébé).
« Trente années de recherche sur la résistance à la
Striga chez le maïs et le sorgho n’ont pas permis aux chercheurs d’être aussi
près d’une solution que nous semblons l’être après quelques années seulement »
a affirmé Dr Rodenburg. « Celle-ci ouvrira la voie à une sélection ciblée à
l’aide de marqueurs moléculaires ».
La sélection assistée par marqueurs peut permettre
l’introduction d’un seul gène – dans le cas présent, le gène de résistance à la
Striga – dans une variété de riz populaire déjà adaptée. Ce qui accélèrera le
processus devant permettre de mettre du riz résistant à la Striga à la
disposition des producteurs. Toutefois, quelques années sont encore nécessaires
pour parvenir à ce stade.
Le patrimoine
génétique passé au crible
En attendant, Dr Rodenburg et ses partenaires sont ravis
des résultats obtenus par suite du criblage pour la résistance pré et post-attachement,
et de ce que certaines variétés de NERICA présentent les deux mécanismes de
résistance et font preuve d’une résistance aux deux espèces de Striga au champ.
Dr Rodenburg a affirmé que « les variétés de riz (ou
lignées fixes) qui présentent la gamme complète de résistance pré et
post-attachement ainsi qu’au champ sont l’exemple même de ce que nous cherchons
».
La prochaine étape de ce processus consistera à cribler
des variétés plus adaptées et à tester un sous-groupe de variétés NERICA résistantes
lors d’essais pendant la sélection variétale participative.
Il a ajouté que « nous ferons de même en Ouganda, où il
faut de toute urgence créer une résistance à S. hermonthica, ainsi qu’à
Madagascar et en Tanzanie, dans certaines zones les plus sensibles à S.
asiatica chez le riz de plateau ».
Les activités de criblage à Madagascar, qui portent
également sur des variétés locales et avancées prometteuses, sont menées en
collaboration avec FOFIFA (le programme national malgache) et le Centre de
coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.
Comprendre
l’ennemi invisible
À l’avenir, AfricaRice collaborera avec l’Université de
Sheffield, l’Université de Makerere, l’Université Kenyatta et le CIAT à
l’identification des loci à caractères quantitatifs (QTL) multiples et des
gènes de résistance candidats qui sous-tendent la résistance du riz aux
différentes espèces et écotypes de Striga, et caractérisent – pour la première
fois – les loci de la Striga qui permettent aux parasites de contourner les
résistances d’hôtes spécifiques. Associé aux essais de sélection variétale
participative, cet effort devrait valider et renforcer les précédents résultats
et mettre à la disposition des producteurs, les cultivars adaptés à résistance
généralisée durable.
Informations complémentaires
Jamil
M, Rodenburg J, Charnikhova T, Bouwmeester HJ. 2011. Pre-attachment Striga
hermonthica resistance of New Rice for Africa (NERICA) cultivars based on low
strigolactone production. New Phytol. 192(4):964-975.
Cissoko
M, Boisnard A, Rodenburg J, Press MC, Scholes JD. 2011. New Rice for Africa
(NERICA) cultivars exhibit different levels of post-attachment resistance
against the parasitic weeds Striga hermonthica and Striga asiatica. New Phytol.192:952-963.