Interview avec Dr Marco Wopereis, Directeur
général adjoint d'AfricaRice
« La recherche doit faire un pas de plus vers
le développement »
Quelles sont vos impressions au terme de
cette semaine scientifique ?
Pour cette réunion annuelle d'AfricaRice, on
a testé une nouvelle formule. Auparavant c'était presque des mini congrès avec
des chercheurs. Maintenant, c'est vraiment faire des planifications avec un
accent important sur la collaboration avec nos partenaires des systèmes
nationaux. Je pense que cela a été un succès. Nous avons aussi mis l'accent sur
la synergie de travail dans six groupes d'actions où on a fait le point des
activités de 2013 et la planification des activités de 2014. Je crois que ça
s'est bien passé.
Qu'est-ce-qui vous avez le plus marqué lors
des travaux ?
Par exemple au niveau du groupe amélioration
variétale qui regroupe une trentaine de sélectionneurs de 30 pays, on voit des
résultats pertinents depuis 2010 qu'il existe. Cette année les sélectionneurs
venus de différents pays ont nommé 6 nouvelles variétés de riz ARICA qui ont un
gain immédiat par rapport au riz NERICA utilisé par les paysans. Un des ARICA
est très performant car tolérant au froid et à la toxicité. Les données
collectées sont de bonne qualité chaque année. Une chose est de nommer les
variétés, une autre est de les rendre accessible aux paysans. Les variétés ne
servent à rien si les paysans ne peuvent pas les utiliser. Le défi le plus
grand reste la production en quantité suffisante de ces semences.
L'autre sujet qui a été au cœur des débats de
cette semaine scientifique c'est les hubs. Qu'en est-il exactement ?
Les pôles de développement rizicole, c'est là
où on met en musique les acquis de la recherche, les innovations paysannes, et
les investissements du secteur privé. Je pense que dans ces hubs, il faut
maintenant travailler beaucoup plus sur la production de semences et savoir le
rôle de chaque acteur. Qui va fournir la semence de base ? Qui va la
multiplier ? Etc. Et vraiment être clair sur qui fait quoi. On a déjà 68
hubs identifiés dans 24 pays. L'idée des pôles c'est d'avoir un impact direct
sur le terrain avec les paysans, les acteurs, les transformateurs, etc.
Ces hubs ont été choisis par les partenaires
nationaux eux-mêmes et non par AfriaRice. Mais cette semaine scientifique nous
a permis de voir qu'il y a encore beaucoup de travail à faire au niveau du
fonctionnement des hubs. Là, je pense qu'on est au stade de la concentration
des efforts de la recherche pour qu'il n'ait plus de dispersion. Mais il n'ya
du tout pas encore de lien avec le développement. Ce qui est très important
cette année c'est d'avoir dans chaque pôle qui a été choisi par chaque pays de
se réunir autour d'une même table. Avec les autres partenaires du secteur privé
et public, il faut décider de la vision à atteindre à long terme. La recherche
va jouer son rôle et le vrai défi maintenant c'est de vraiment connecter les
hubs avec le développement. Pour l'instant c'est le début et j'espère d'ici à 3
ou 5 ans nous allons réaliser de grands progrès. Et nous pourrons être fiers de
ces hubs.
Comment la coordination des pôles se
fera ?
Coordonner les pôles. Je ne pense pas.
Puisque ce n'est pas AfricaRice qui les a choisis. Ce que nous pouvons faire
c'est de faciliter l'installation des pôles. Nous sommes convaincus que sans ça
nous n'allons nulle part. On ne peut pas se conter de développer une variété et
se dit que le travail est fini. Il faut que nos recherches soient proactives et
orientées pour des impacts réels. La recherche doit faire un pas de plus vers
le développement.
Vous avez placé cette semaine scientifique
sous le signe de l'amélioration de la sécurité alimentaire en Afrique. Quelles
sont selon vous les actions que AfricaRice va développer pour atteindre ce
défi ?
Il y a énormément d'étapes qu'on a déjà
franchir pour travailler sur l'amélioration de la sécurité alimentaire en
Afrique. Nous avons un plan stratégique d'ici à 2020 approuvé par notre conseil
des ministres en Gambie en 2011. Donc on a une vision claire. Il s'agit
d'atteindre en 2020 l'autosuffisance en riz à 90 % en Afrique. Pour l'instant c'est
50-60 % et nous importons encore 12 millions de tonnes de riz. On veut
arriver à 4 ou 5 millions de tonnes de riz avec 90 % de consommation de riz sur
le continent. AfricaRice fait une recherche de qualité intéressante pour un
producteur, un transformateur ou un commerçant qui puisse faire un changement.
Nous ne faisons pas des recherches pour des recherches. Alors nous attendons de
nos chercheurs de travailler sur les variétés, la mécanisation pour améliorer
la production. AfricaRice aide aussi les pays à formuler des politiques
rizicoles adéquates. Une étude du CIRAD a montré que d'ici à 15 ans 320
millions de jeunes viendront chercher un travail en Afrique. Cela est à la fois
un danger et une opportunité. Je pense que le secteur du riz pourrait être une
grande source de richesse pour les Etats africains.
Propos recueillis par Christophe Assogba et
Mikaïla Issa
Publié le : 05-03-2014 à 13:39:52
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