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Un riziculteur sénégalais explique à un agent de vulgarisation de notre organisation partenaire SAED comment il a accru la productivité de son champ de riz. |
De
nombreuses personnes, y compris mes parents, qui sont des riziculteurs au Japon,
demandent souvent pourquoi je travaille en Afrique sur le riz, une culture
normalement associée à l’Asie.
En effet,
le riz a toujours été un aliment de base dans certains pays africains, où la
consommation est même plus élevée qu’au Japon ! Et la consommation de riz
augmente de façon exponentielle en Afrique, principalement à cause des
changements dans les habitudes alimentaires et l’explosion démographique. Les
paysans africains, souvent des femmes, cultivent le riz en conditions
pluviales, avec des rendements d’environ 2 tonnes par hectare ; ce
qui est beaucoup inférieur aux rendements moyens de riz qui sont à environ 4
tonnes par hectare. Le résultat est que la plupart du riz consommé en Afrique
est importé d’Asie.
Pendant
la crise alimentaire de 2007–2008, beaucoup de pays asiatiques ont réduit leurs
exportations de riz. La pénurie soudaine a provoqué une hausse des prix qui a
entraîné des soulèvements dans bon nombre de capitales africaines. Reconnaissant
que la trop forte dépense sur les importations de riz est risquée, beaucoup de
gouvernements africains de même que la communauté internationale des donateurs
ont initié des programmes de développement du secteur rizicole. Les
investisseurs étrangers s’intéressent aussi aux terres et aux eaux africaines
pour la culture du riz. Comme résultat, la production rizicole augmente dans
toute l’Afrique subsaharienne. Cependant, l’Afrique importe toujours environ 40 %
du riz qu’elle consomme.
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Ecart de rendement entre riziculture irriguée et riziculture pluviale dans les pays africains. AfricaRice travaille avec l’Université de Nebraska et l’Université de Wageningen sur le projet “Global Yield Gap and Water Productivity Atlas (GYGA)” (Saisie d’écran du site internet de GYGA). |
Où se situent ces écarts et comment pouvons-nous les combler ?
Pour
répondre à ces questions, nous avons mis en place le Groupe d’action Agronomie rizicole à
l’échelle de l’Afrique en
2011. Ce groupe d’action inclut le personnel d’AfricaRice de même que les
agronomes de 21 pays africains, qui collaborent avec les paysans, les agents de
vulgarisation et les partenaires au développement. Deux exemples démontrent la nature
du travail initialement entrepris en vue d’appréhender les défis et les solutions.
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Page des résultats de l’outil d’aide à la décision RiceAdvice, montrant le taux d’application des engrais et le timing recommandés pour un champ particulier d’un paysan. Ces résultats sont générés par RiceAdvice à partir des réponses des paysans aux questions sur la gestion de leur terre et de leur culture. |
A la fin des années 1990, la recherche menée par AfricaRice dans la vallée
du fleuve Sénégal a montré que les paysans pouvaient augmenter leurs rendements
d’une à deux tonnes par hectare sans augmenter les coûts de production, simplement
en modifiant leurs pratiques agricoles. Par conséquent, les chercheurs ont
développé des options de gestion intégrée de la riziculture de bas-fond
irriguée, qui ont été disséminées à grande échelle.
Différents
facteurs ont empêché les paysans pauvres d’adopter les nouvelles pratiques. Les
paysans qui ne disposent pas de tracteur, par exemple, pourraient attendre longtemps
un prestataire de services. S’ils n’ont pas accès au crédit, il pourrait
s’avérer difficile pour les paysans d’acheter les engrais et autres intrants. Cela
peut retarder le processus de production, avec de sérieuses implications pour
le rendement.
Nous
sommes en train de développer un outil d’aide à la décision basé sur une
application Android appelé RiceAdvice, pour fournir aux paysans des recommandations
adaptées à leurs propres circonstances (Photo 3). Cela devrait aboutir à des
gains de rendement importants. Cependant, nous ne devrons pas oublier
d’alerter les politiques et les
décideurs sénégalais aux niveaux régional
et national sur la nécessité de créer un environnement favorable pour les
paysans afin qu’ils appliquent les recommandations. Dans le cas contraire, tous
nos efforts ne serviront à rien.
Dans
le centre du Bénin, la riziculture pluviale peut donner 3 à 5 tonnes par
hectare avec une bonne pluviométrie, mais en période de sécheresse, les
rendements peuvent tomber au-dessous de 2 tonnes par hectare, ou échouer
complètement.
Le
développement de technologies intelligentes face au climat telles que les
variétés résistantes à la sécheresse et les technologies qui conservent l’eau
ou l’introduction d’autres cultures pourraient aider les paysans à faire face à
la sécheresse, en particulier dans les zones de riziculture de plateau.
Cependant,
j’aimerais soutenir que, là où cela est possible, la grande priorité devrait
être accordée au développement de programmes d’irrigation et à la recherche des
voies et moyens d’améliorer la maîtrise de l’eau dans les systèmes pluviaux, par
exemple à travers la construction de diguettes et le nivellement des champs de
bas-fond.
En
abordant les questions de marché et les défis financiers et institutionnels et
en assurant la disponibilité des terres avec une bonne maîtrise de l’eau ou de
l’irrigation, nous pouvons aider les paysans à adopter facilement les bonnes
pratiques agricoles telles que celles recommandées par RiceAdvice. Dans bien
des cas, travailler avec les paysans pour améliorer la gestion de la
riziculture constitue le dernier morceau du casse-tête pour combler l’écart de
rendement !
Des
fois je parle avec mes parents de la raison pour laquelle je travaille sur le
riz. J’espère qu’un jour ils apprécieront manger du riz venu d’Afrique !
Blog et photos par Kazuki Saito, agronome riz
et coordinateur du groupe d’action Agronomie à l’échelle de l’Afrique au Centre
du riz pour l’Afrique (AfricaRice)
– k.saito at cgiar.org