Le WITA9 : une variété de riz local révélée plus compétitive que le riz importé dans le pôle de développement rizicole de Gagnoa, Côte d’Ivoire
Par Meougbe Ernest Depieu (CNRA, Cote d’Ivoire), Rose Fiamohe (AfricaRice, Benin), Landry Kanon (CNRA, Cote d’Ivoire), Oumar Tuo (Université Alassane Ouattara, Bouake, Côte d’Ivoire ), Mahyao Adolphe (CNRA, Cote d’Ivoire), Sekou Doumbia (CNRA, Cote d’Ivoire)
Les chercheurs du Centre National de recherche agronomique (CNRA) en Côte d’Ivoire et du Centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice) de Cotonou, Bénin ont organisé, du 12 au 16 août 2014, une vente de riz aux enchères expérimentales dans les locaux de la Mairie de Gagnoa en Côte d’Ivoire. Les enchères expérimentales, du domaine de l’économie expérimentale, font partie des méthodes d’aide à la fixation des prix. Il s'agit d’une méthode qui permet de mesurer dans des conditions d’informations contrôlées (labellisation, dégustation, vidéo, radio, etc.), les dispositions des individus à payer plus pour de nouveaux produits, de nouvelles caractéristiques intrinsèques (attributs de qualité) ou extrinsèques d’un produit (label, emballage, etc.).
La présente étude s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du projet SARD-SC piloté par AfricaRice en collaboration avec les Systèmes nationaux de recherche agricole (SNRA). L’objectif principal de l’étude est de contribuer à l’amélioration des stratégies existantes de marketing pour le riz produit localement dans le pôle de développement rizicole de Gagnoa. En d’autres termes, l’étude vise à améliorer la productivité et la compétitivité du riz local dans la commune de Gagnoa. De façon spécifique, il s’agissait d’analyser le comportement des consommateurs face au riz local, d’évaluer le consentement à payer (CAP) des consommateurs pour du riz local de meilleure qualité et de déterminer le type de riz local préféré par les consommateurs. Pour ce faire, quatre types de riz ont été mis en compétition : le riz Malo Woussou, comme riz de référence et trois autres types de riz comme alternatif, notamment la variété de riz WITA9, le riz Bété et riz importé vietnamien de marque Papillon de grande consommation.

La méthode expérimentale utilisée a été l’enchère de Vikrey (ou enchères au second prix) et portant sur un échantillon de 150 consommateurs (dont 70 femmes et 80 hommes) sélectionnés de façon aléatoire parmi les personnes allant ou sortant du grand marché de Gagnoa (Fig.1).
L’expérimentation s’est déroulée sur 5 jours à raison de 2 sessions par jour (une session le matin et une autre l’après-midi). Chaque session dure environ 3 heures et comprend 15 consommateurs. Les enquêteurs demandent individuellement aux consommateurs combien ils sont prêts à payer pour échanger leur riz de référence contre un riz de qualité supérieure. En fin de session, ils reçoivent une redevance pécuniaire en compensation du temps consacré à l’exercice qui leur est proposé et aussi une dotation d’un kilogramme de riz de référence.
Chaque session est composée de trois enchères individuelles (enchères après l’appréciation du riz non cuit, l’évaluation sensorielle et une enchère individuelle en fin de session) (Fig. 2) et une enchère collective (Fig. 3). Ces différentes enchères sont alternées par la collecte des données sur les critères de choix des différents types de riz et les caractéristiques socio-économiques des consommateurs.
Les offres des participants sont collectées simultanément et la personne ayant fait l’enchère la plus élevée achète le produit au second prix le plus élevé. Le principe de base est le renchérissement du produit proposé contre un autre jugé de meilleure qualité.
Au terme des 5 jours d’enchères expérimentales, il ressort que la variété de riz WITA9 a été le riz le plus prisé par environ 75 % des consommateurs enquêtés. Cette variété est suivie du riz importé de grande consommation (le riz vietnamien Papillon) et du riz Bété. Le consentement à payer (CAP en FCFA par kg de riz) pour le riz de qualité varie de 58,33 à 72 FCFA pour le riz WITA9 contre 32,5 à 60 FCFA et 36 à 45 FCFA, respectivement pour le riz importé de grande consommation et le riz Bété. Les consommateurs de Gagnoa sont prêts à payer près de 20 % de plus pour le riz local de haute qualité.
Cette étude sur l’évaluation du consentement à payer pour l’amélioration de la qualité du riz local face au riz importé de grande consommation dans la commune de Gagnoa est d’une importance capitale. Elle a permis, d’une part, de confirmer la nécessité d’améliorer les attributs de qualité du riz local pour une reconquête des marchés urbains par les filières rizicoles locales et d’autre part, de valoriser les acquis de la recherche variétale.
Une politique visant à augmenter le niveau de production du riz WITA9 de meilleure qualité suffisant pour couvrir, d’une part, les besoins des consommateurs de Gagnoa et d’autre part, dégager des surplus exportables vers les autres régions déficitaires en riz en Côte d’Ivoire et en Afrique de l’Ouest est vivement encouragée. Toutefois, ces résultats sont à confirmer après trois répétitions prévues par le projet dans le pôle de développement rizicole de Gagnoa.