Friday, July 3, 2020

Faire face à la Covid-19 dans les hautes terres de Madagascar: Comment s’adaptent les ménages et les femmes dans les zones rurales ?


Contribution de Gaudiose Mujawamariya, experte de la chaîne de valeur du riz et point focal Genre, et Irina Andrianina Tefy, assistante de recherche, Programme Politique, Systèmes d'Innovation et Évaluation d’impact d'AfricaRice

Au début du mois de mars 2020, alors que le monde était de plus en plus touché par la pandémie de Covid-19, nous pensions que Madagascar serait en quelque sorte épargnée, du fait de son statut insulaire. En outre, le gouvernement prenait des mesures préventives.
Mais depuis lors, la gravité de la pandémie augmente, et les effets possibles de la Covid-19 dans un pays déjà pauvre sont très préoccupants. Selon la Banque mondiale, la pauvreté et la malnutrition chroniques touchent respectivement 74 % [1] et 47 %[2] de la population du pays.
Les effets immédiats de la Covid-19 ont été associés aux mesures de confinement partiel et à la cessation de presque toutes les activités économiques, éducatives et sociales, tels que la perte de revenus résultant du chômage, en particulier dans les industries de transformation alimentaire dominées par le secteur privé. Le risque d'insécurité alimentaire dans les zones rurales était élevé en raison du retour des enfants scolarisés et des travailleurs dans leurs villages, de la restriction des mouvements affectant la main-d'œuvre et les marchandises, et d'un état d'anxiété généralisé.
Les résultats préliminaires d'une étude en cours─ menée collectivement dans le cadre du Programme Politique, Systèmes d’Innovation et Évaluation d’impact d’AfricaRice pour comprendre comment les ménages ruraux en général et les agricultrices en particulier font face à la Covid-19 ─ montrent que la pandémie n'a pas eu beaucoup d'effet sur la riziculture dans les hautes terres de Madagascar.

En effet, elle a coïncidé avec la fin de la saison de culture du riz. C'est un véritable soulagement, car le riz est la culture la plus importante du pays. Les ménages agricoles qui produisent du riz pour leur propre consommation ont déclaré disposer de quantités suffisantes, et ont choisi de stocker l’excédent de riz ou même de le vendre, profitant ainsi du prix de vente élevé. Une augmentation moyenne de 200 Ariary (0,053 $US) par kg a été constatée par rapport aux prix pratiqués avant le confinement.

Les ventes d'autres cultures vivrières ont également été observées, notamment le maïs, le soja et l'arachide. Les secteurs qui ont le plus souffert sont les produits périssables, notamment les légumes tels que le chou, les tomates, les haricots verts, etc. et les produits de l'élevage tels que le lait, dont les chaînes d'approvisionnement ont subi des perturbations et par conséquent, une chute des prix ─ jusqu'à un tiers du prix appliqué avant la pandémie.

L’accès aux semences de cultures qui étaient semées, comme les pommes de terre et les haricots de contre-saison, constituait un défi majeur, de même que l'approvisionnement en aliments pour animaux et en produits phytosanitaires, car ces produits étaient devenus coûteux.
Malgré les bénéfices tirés de la vente de riz, les ménages ruraux, principalement des femmes, ont vu leurs revenus baisser considérablement, en raison de la perte financière due à la fermeture temporaire des industries de transformation alimentaire, de petites entreprises de couture, des restaurants, etc. et à l'absence de marchés.
Pour faire face à de telles situations, la plupart des ménages ont décidé de réduire la consommation de riz par habitant et de produits non agricoles tels que la viande et le poisson. Malheureusement, même sans marché, les légumes sont rarement consommés dans les ménages. Les ménages prévoient la diversification dans un avenir proche, notamment en optant pour des cultures de contre-saison, en vendant des poulets et en s'engageant dans des activités non agricoles, entre autres.
Même si les femmes ont désormais plus de temps pour elles-mêmes en partageant les tâches ménagères, elles sont surtout préoccupées par l'augmentation de la consommation du ménage due au confinement, et par l'augmentation des conflits dans certains ménages entre les jeunes et les vieux, et avec les hommes qui sortent pour parier ou boire. Parallèlement, les préoccupations sanitaires augmentent concernant les femmes enceintes, par exemple.
Sans aucun doute, avec l’allègement du confinement et l’ouverture des marchés, la situation s’améliore et les producteurs peuvent bénéficier de l’augmentation des revenus. Cependant, la lutte contre la Covid-19 n’est pas encore gagnée et sa propagation dans les zones rurales devient un grave problème.
Outre le problème sanitaire, il est nécessaire d’anticiper le risque que les semences soient consommées dans les ménages ruraux du fait de l’insécurité alimentaire grandissante. Ainsi, l’approvisionnement en semences de qualité destiné aux paysans doit être préparé dès maintenant. Il est également important de sensibiliser les ménages ruraux sur la nécessité de maintenir une alimentation riche en nutriments pour renforcer leur système immunitaire.
[1] https://www.banquemondiale.org/fr/country/madagascar/overview [2] https://www.worldbank.org/en/news/feature/2018/03/08/a-ten-year-program-to-combat-chronic-malnutrition-in-madagascar

Facing COVID-19 in the highlands of Madagascar: How are the rural households and women coping?

Contributed by Gaudiose Mujawamariya, Rice Value Chain Expert and Gender Focal Point, and Irina Andrianina Tefy, Research Assistant, AfricaRice Policy, Innovation systems and Impact Assessment Program
In early March 2020, as the world was getting increasingly hit by the COVID-19 pandemic, we thought Madagascar being an island nation would be somehow spared. In addition, the government was taking preventive measures. Between then and now however, the severity of the pandemic is increasing, and the possible effects of COVID-19 in an already poor country are deeply worrying. According to the World Bank, poverty and chronic malnutrition level respectively affect 74% [1] and 47%[2] of the population in the country.

The immediate effects of COVID-19 were associated with the partial confinement measures and closure of almost all economic, education and social activities, such as the loss of income resulting from unemployment, especially in private sector-led processing industries. The risk of food insecurity in the rural areas was high due to reverse migration of school-going children and urban workers, the restriction of movements of labor and goods and a generalized state of anxiety.
The preliminary results of an ongoing study collectively conducted in the Policy, Innovation systems and Impact Assessment program of AfricaRice to understand how the rural households in general and women farmers, in particular, are coping with COVID-19 indicate that the pandemic has not had much effect on rice cultivation in the highlands of Madagascar since it coincided with the end of the growing season.
This is quite a relief because rice is the most important crop in the country. Farming households that produce rice for their own consumption declared they had sufficient quantities and opted to store their surplus or even to sell, benefiting from the high selling price; an average increase of 200 Ariary (US$0.053) per kg was noted compared to the pre-confinement prices.
Sales of other food crops were also observed, including maize, soybean and groundnut. The sectors that suffered most were the perishable products, including vegetables such as cabbage, tomatoes, green beans, etc. and livestock products such as milk that faced disruptions in supply chains and consequently falling prices – up to one-third of the pre-pandemic price. Accessing seeds of crops that were being sown such as the off-season potatoes and beans was a major challenge as well as procuring animal feed and phytosanitary products, as these products had become expensive.
Despite the gains from the rice sales, rural households, mostly women, have seen significant declines in their incomes, from the loss of remittances due to temporary closure of processing industries, tailoring businesses, restaurants, etc., and absence of markets. To cope with such situations, most households have decided to reduce the per capita consumption of rice and of out-of-farm products such as meat and fish. Unfortunately, even without a market, vegetables are rarely consumed in the households. The households are planning to diversify in the near future, including in off-season cropping, sale of chickens and engagement in off-farm activities, among others.
While women have gained more time for themselves by sharing chores, they are mostly worried about increased household consumption due to confinement, and increased conflicts in some households between the young and the old, and men who go out for betting or drinking. At the same time, health concerns are also rising for pregnant women for instance.
Certainly, with the ease of confinement and opening of markets, the situation is improving, and farmers can benefit from income improvement. However, the battle against COVID-19 is not yet won, and its spread in the rural areas is now a serious concern. In addition to the health issue, it is necessary to anticipate the risk of seeds being consumed in rural households due to increasing food insecurity. Hence provisions of quality seeds to farmers should be prepared as of now. It is also important to sensitize rural households about the necessity of maintaining a nutrition-rich diet for boosting their immunity.

[1] https://www.banquemondiale.org/fr/country/madagascar/overview [2] https://www.worldbank.org/en/news/feature/2018/03/08/a-ten-year-program-to-combat-chronic-malnutrition-in-madagascar